Récits du Cosandier by Oscar Huguenin

Récits du Cosandier by Oscar Huguenin

Auteur:Oscar Huguenin
La langue: fra
Format: mobi, epub
Tags: Nouvelles
Éditeur: Les Bourlapapey bibliothèque numérique romande
Publié: 2014-09-17T16:40:31+00:00


II

C’était en l’an 1639 ; la compagnie qui était pour lors de garde à la Brévine avait pour commandant le sieur Jonas Favarger, intendant des bois et bâtiments de la souveraineté de Neuchâtel. Un jour du mois de juillet, le dit sieur commandant était au beau milieu de son dîner, en train de bien faire, quand un de ses mousquetaires vint en toute hâte l’aviser qu’on voyait de loin une grosse troupe de gens arriver de France par l’Écrenaz, et qu’il paraissait même y avoir de la cavalerie.

Le commandant se mit à tempêter en avalant les morceaux doubles, de telle façon qu’il manqua s’étouffer, d’autant qu’il bouclait en même temps son ceinturon. Ça ne vaut rien de faire trop de choses à la fois !

Quand le mousquetaire lui eut fait retrouver son souffle en lui tapant dans le dos, le plus respectueusement qu’une chose pareille se puisse faire de soldat à commandant, celui-ci, rouge comme une pivoine à force d’avoir toussé, demanda au mousquetaire : — Est-ce qu’il est venu une estafette du corps de garde ?

— Non, monsieur le commandant ; pourtant on voit…

— On voit, on voit ! Ah ! çà, pourquoi est-ce qu’il y a un poste au corps de garde de l’Écrenaz, si ce n’est pas pour nous signaler ce qui se passe d’extraordinaire à la frontière ? S’il y avait quelque danger… Enfin, nous verrons bien.

Là-dessus, le commandant, un homme corpulent et sanguin, s’en fut dehors pour voir s’il y avait nécessité de ranger son monde en bataille.

Après avoir regardé un moment du côté de France, en mettant sa main sur ses sourcils à cause du grand soleil : — Peuh ! fit-il en haussant les épaules, ça valait bien la peine de me déranger et de laisser refroidir mon dîner ! De la cavalerie, cela ! une demi-douzaine de chevaux attelés à des chariots. Ne vois-tu pas que c’est encore une bande de ces pauvres diables de Bourguignons qui sauvent leur peau et leurs bagages des mains des Suédois ? Ils ont pris le plus court, et il faut, sur ma foi, être contraint et rudement pressé pour passer par une « charrière » abominable comme celle-là. Écoute, Miéville, une autre fois tâche de mieux ouvrir les yeux avant d’ouvrir la bouche !

Ce disant, le commandant inspecteur des bois et bâtiments s’en fut reprendre son dîner au point où il l’avait laissé.

Miéville, un mousquetaire du Bas, gai comme un pinson, à son ordinaire, n’était qu’à moitié content de l’atout qu’il avait reçu. On le voyait bien à la mine qu’il faisait en tortillant sa barbiche et regardant le convoi qui s’approchait. — Ouvrir les yeux ! ouvrir les yeux ! mâchonnait-il entre ses dents. Par la sangbleu ! je les ai aussi bons que lui, et à présent il est aisé de voir… Mais il a beau dire, le commandant : il s’est mis le doigt dans l’œil autant que moi. Voilà des charretiers qui ne ressemblent pas plus à des paysans bourguignons que



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